Certains membres du "mouvement vert" qui avait suivi la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad, arrêtés lors des émeutes de l'été 2009, avaient déjà une expérience assez complète de la prison d'Evin, au nord de Téhéran. De ses interrogateurs, de ses gardiens, de sa géographie en grande partie souterraine, de ses blocs numérotés et de ses couloirs sinistres. Ils furent pourtant troublés. Quelque chose ne tournait pas rond. Les questions n'étaient pas comme d'habitude, la brutalité des interrogateurs non plus.
Que se passait-il ? Le 21 juin 2009, le journaliste Maziar Bahari, les yeux bandés dans une cellule, commence à comprendre. Le bandeau ne lui laisse voir que les chaussettes grises de son tortionnaire, dans des sandales impeccables en cuir noir. Voilà l'indice ! "Les fonctionnaires du ministère du renseignement portent souvent des sandales en plastique et ont des trous dans leurs chaussettes, écrit-il dans Newsweek, le 30 novembre 2009. J'espérais que mon interrogateur soit un junior qui roulait les mécaniques. J'espérais trouver un trou dans ses chaussettes. Il n'y en avait pas."Et pour cause : Maziar Bahari a été arrêté et interrogé par les agents du service de renseignement des gardiens de la révolution et non par ceux du ministère du même nom. L'armée d'élite, pas l'armée régulière.
Ce sont les pasdarans qui ont pris en main la répression de 2009, sans doute après avoir organisé la fraude qui a permis de proclamer la victoire de Mahmoud Ahmadinejad, au soir du 12 juin. Alors que certains responsables de la police hésitaient devant des centaines de milliers de civils descendus dans la rue, alors qu'un général de l'armée régulière se refusait à tirer sur la foule, les pasdarans, eux, n'ont pas flanché. Ils ont lancé leurs meutes de milices de bassidjis ("volontaires islamiques"), montés sur des motos, armés de chaînes et de bâtons pour casser les cortèges.
UN CORPS DE 100 000 HOMMES
Ils ont organisé la torture des détenus dans des prisons ouvertes à cette occasion. Ils ont obtenu de faux aveux, mis en place de vrais procès. En quelques mois, ils ont vidé les rues de leurs contestataires. Bref, ils ont sauvé le Guide, et le régime tout entier.
Cela explique sans doute l'aplomb d'Ali Saedi, représentant du Guide auprès des gardiens de la révolution. En janvier 2013, il a suscité un scandale en priant les autorités de concevoir, pour ce mois de juin, des élections "logiques et raisonnables".
Le corps des gardiens de la révolution compte plus de 100 000 hommes. Enrichi par la contrebande, rendue nécessaire par les sanctions internationales visant le régime, il bénéficie des équipements les plus sophistiqués. Les pasdarans contrôlent aussi un tiers de l'économie iranienne. Et les spéculations vont bon train sur le rôle que joue, à la maison du Guide, le mystérieux Qassem Suleimani, commandant d'Al-Qods, la force d'intervention extérieure des pasdarans. Lui et les siens seraient à l'origine de l'engagement iranien en Syrie pour défendre le régime de Bachar Al-Assad, considéré comme un poste avancé de la République islamique.
Résumant l'opinion des iranologues, Abbas Milani, directeur des études iraniennes à Stanford, a déclaré à Reuters que les pasdarans "allaient tout simplement être la force dominante pour déterminer le résultat des élections du 14 juin".
Selon le site d'opposition Jonbeshe Rahe Sabz, le chef des pasdarans, Mohamad Ali Jafari, s'est rendu en personne au bureau du Conseil des gardiens pour s'assurer qu'ils allaient bien rejeter la candidature de l'ancien président Akbar Hachemi Rafsandjani. Il faisait figure de principal espoir des réformateurs.
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